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Livre de la Genèse
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Le cycle d'Abraham : Abraham - L'épreuve de la foi
Genèse 22,1-23,20

En Genèse 22, le sacrifice d’Isaac et ses préparations sont le plus visible... ils ne sont pourtant pas le sujet du texte, nous le verrons. De même qu’au chapitre suivant où nous est relatée la sépulture de Sarah, la femme aimée d’Abraham, ce n’est pas elle qui domine le texte. Ces deux textes sont néanmoins des chefs d’oeuvre.

Au moment où nous arrivons presque à la fin du cycle d’Abraham, il est bon de constater encore une fois que le texte biblique ne se donne pas au premier regard ; de constater aussi que le lire exige l’humilité d’une écoute prête à laisser bousculer ses a priori et ses certitudes par l’inconnu. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons entrer dans une découverte qui laisse des traces durables.

 1 Après ces choses, Dieu mit Abraham à l'épreuve, et lui dit : Abraham ! Et il répondit : Me voici !
2 Dieu dit : Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de Moriyya, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai.

3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l'holocauste, et partit pour aller au lieu que Dieu lui avait dit. 
4 Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin. 5 Et Abraham dit à ses serviteurs : Restez ici avec l'âne; moi et le jeune homme, nous irons jusque-là pour adorer, et nous reviendrons auprès de vous.

Moriyya : la Tradition juive identifie le lieu avec le site du futur Temple de Jérusalem, là seul où le sacrifice pourra être offert.

Dieu mit Abraham à l'épreuve...

Cette formule unique dans l’Ecriture donne dès le départ au lecteur une indication d’autant plus précieuse qu’Abraham n’en dispose pas. Elle dit d’entrée de jeu que le sujet du chapitre est une mise à l’épreuve d’Abraham. La suite du texte va le confirmer : en effet, s’il commence par l’ordre de Dieu présenté comme une épreuve, il se termine par un discours de l’ange du Seigneur qui récompense Abraham d’avoir obéi à cet ordre.

Alors la demande d’offrir l’enfant en holocauste ? Là n’est pas le sujet du texte ; sa fonction est de faire ressortir l’épreuve d’Abraham : la plus grande que puisse vivre un père ; et par la même occasion de mettre en valeur son obéissance au Seigneur.

Remarquons combien les paroles du père et du fils sont justes, même s’ils ne le savent pas au moment où ils les prononcent : Dieu saura voir l’agneau pour l’holocauste. C’est une parole de foi ? Mais tout ce chapitre ne prétend dire qu’une chose : que la foi ne trompe pas.

Braunschweiger Monogrammist, Sacrifice d’Isaac, détail : le départ d'Abraham et Isaac (Yorck Project)

6 Abraham prit le bois pour l'holocauste, le chargea sur son fils Isaac, et porta dans sa main le feu et le couteau. Et il marchèrent tous deux ensemble.
7 Alors Isaac, parlant à Abraham, son père, dit : Mon père ! Et il répondit : Me voici, mon fils !
Isaac reprit : Voici le feu et le bois ; mais où est l'agneau pour l'holocauste ? 8 Abraham répondit : Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste.
Et ils marchèrent tous deux ensemble.

A la loupe

Tous les éléments du texte concourent pour faire percevoir au lecteur le tragique de ce que vit Abraham :

  • Prends ton fils, ton unique, Isaac, que tu aimes,... tu l’offriras en holocauste : il serait difficile d’accumuler plus de notations pour dire combien ce que vit Abraham est atroce. Ce qui est en jeu ici, c’est ce qui lui est le plus cher, son fils... C’est véritablement le père qui est en question.
  • Alors, la durée du voyage vers la montagne de Moriyya prend tout son poids : 3 jours, sans parole.
  • Le dialogue si bref entre Abraham et Isaac : Mon père... Me voici, mon fils... les termes insistent encore sur ce qui rend unique la relation de ces deux êtres.

Alors ? Élémentaire ! Toutes les notations visent, avec un art consommé, à tourner le lecteur vers ce que vit Abraham, le seul à savoir ce qui va inéluctablement arriver, jusqu’à ce point culminant où l’ange arrête le bras d’Abraham sur le point de frapper Isaac. Alors la tension peut se dénouer et la bénédiction se faire entendre dans toute son ampleur.

Braunschweiger Monogrammist, Sacrifice d’Isaac (Yorck Project)

9 ;Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait dit, Abraham y éleva un autel, et rangea le bois. Il lia son fils Isaac, et le mit sur l'autel, par-dessus le bois. 10 Puis Abraham étendit la main, et prit le couteau, pour égorger son fils. 11 Alors l'ange du SEIGNEUR l'appela des cieux, et dit : Abraham ! Abraham ! Et il répondit : Me voici ! 
12 L'ange dit : N'avance pas ta main sur l'enfant, et ne lui fais rien ; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique. 
13 Abraham leva les yeux, et vit derrière lui un bélier retenu dans un buisson par les cornes ; et Abraham alla prendre le bélier, et l'offrit en holocauste à la place de son fils. 14 Abraham donna à ce lieu le nom de Le Seigneur voit. C'est pourquoi l'on dit aujourd'hui : A la montagne du SEIGNEUR il sera pourvu.

15 L'ange du SEIGNEUR appela une seconde fois Abraham des cieux, 16 et dit : Je le jure par moi-même, parole du SEIGNEUR ! parce que tu as fais cela, et que tu n'as pas refusé ton fils, ton unique, 17 je te bénirai et je multiplierai ta postérité, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le bord de la mer ; et ta postérité possédera la porte de ses ennemis. 18 Toutes les nations de la terre seront bénies en ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix.

L'épreuve d'Abraham

Aujourd’hui, les chrétiens préfèrent évoquer le sacrifice d’Abraham alors que, pendant des siècles, ils ont parlé du sacrifice d’Isaac et que le judaïsme, lui aussi, met l’accent sur l’attitude d’Isaac.

Cette perception s’enracine dans le Nouveau Testament et la lettre aux Hébreux :

Par la foi, Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac ; il offrait le fils unique, alors qu'il avait reçu les promesses et qu'on lui avait dit : C'est par Isaac qu'une descendance te sera assurée. Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter; aussi, dans une sorte de préfiguration, il retrouva son fils. [11,17-19]

Pour nos Pères, Abraham est l’homme de la foi, et c’est ici, alors qu’il risque de perdre le plus précieux, son fils, l’objet de la promesse de Dieu, qu’il en témoigne : il va jusqu’au bout de ce qui lui est demandé parce qu’il ne peut mettre en doute la réalisation de la promesse. Si Isaac avait été mis à mort ? Dieu aurait pu le ressusciter et garantir ainsi l’accomplissement de la promesse.

Mais il faudra qu’Abraham fasse l’épreuve de la foi : accepter de croire alors qu’à vue humaine, toutes les certitudes lui sont enlevées, accepter de faire le sacrifice de sa paternité.

19 Abraham étant retourné vers ses serviteurs, ils se levèrent et s'en allèrent ensemble à Beer Schéba ; car Abraham demeurait à Beer Schéba.

20 Après ces choses, on fit à Abraham un rapport, en disant : Voici, Milca a aussi enfanté des fils à Nachor, ton frère: 21 Uts, son premier-né, Buz, son frère, Kemuel, père d'Aram, 22 Késed, Hazo, Pildasch, Jidlaph et Bethuel. 23 Bethuel a engendré Rebecca. Ce sont là les huit fils que Milca a enfantés à Nachor, frère d'Abraham. 24 Sa concubine, nommée Réuma, a aussi enfanté Thébach, Gaham, Tahasch et Maaca.

Dieu est celui qui met Abraham à l’épreuve. C’est la conscience de l’homme de la Bible que Dieu met son peuple à l’épreuve pour savoir si le peuple marchera ou non selon sa loi (Ex 16,4).

Mais l’épreuve ne se présente pas toujours de la même façon : elle peut passer par la pauvreté comme par la prospérité qui risque toujours de faire oublier quel est celui qui l’a donnée. Dans tous les cas l’épreuve a pour but de rendre le fidèle heureux en le faisant se souvenir que c’est le Seigneur qui donne pour accomplir la promesse faite aux pères ; alors le fidèle peut fonder sa confiance en l’avenir tout entière sur son Dieu.

1 La vie de Sara fut de cent vingt-sept ans : telles sont les années de la vie de Sara. 2 Sara mourut à Kirjath Arba, qui est Hébron, dans le pays de Canaan; et Abraham vint pour mener deuil sur Sara et pour la pleurer.

3 Abraham se leva de devant son mort, et parla ainsi aux fils de Heth: 

4 Je suis étranger et habitant parmi vous; donnez-moi la possession d'un sépulcre chez vous, pour enterrer mon mort et l'ôter de devant moi. 
5 Les fils de Heth répondirent à Abraham, en lui disant: 
6 Écoute-nous, mon seigneur! Tu es un prince de Dieu au milieu de nous; enterre ton mort dans celui de nos sépulcres que tu choisiras; aucun de nous ne te refusera son sépulcre pour enterrer ton mort. 
7 Abraham se leva, et se prosterna devant le peuple du pays, devant les fils de Heth. 8 Et il leur parla ainsi:
Si vous permettez que j'enterre mon mort et que je l'ôte de devant mes yeux, écoutez-moi, et priez pour moi Éphron, fils de Tsochar, 9 de me céder la caverne de Macpéla, qui lui appartient, à l'extrémité de son champ, de me la céder contre sa valeur en argent, afin qu'elle me serve de possession sépulcrale au milieu de vous. 

10 Éphron était assis parmi les fils de Heth. Et Éphron, le Héthien, répondit à Abraham, en présence des fils de Heth et de tous ceux qui entraient par la porte de sa ville: 11 Non, mon seigneur, écoute-moi! Je te donne le champ, et je te donne la caverne qui y est. Je te les donne, aux yeux des fils de mon peuple: enterre ton mort. 12 Abraham se prosterna devant le peuple du pays. 13 Et il parla ainsi à Éphron, en présence du peuple du pays: Écoute-moi, je te prie! Je donne le prix du champ: accepte-le de moi; et j'y enterrerai mon mort. 14 Et Éphron répondit à Abraham, en lui disant: 15 Mon seigneur, écoute-moi! Une terre de quatre cents sicles d'argent, qu'est-ce que cela entre moi et toi? Enterre ton mort. 16 Abraham comprit Éphron; et Abraham pesa à Éphron l'argent qu'il avait dit, en présence des fils de Heth, quatre cents sicles d'argent ayant cours chez le marchand.

Tombeau des patriarches à Hebron (photo by Djampa, GNU 1.2)

Il serait difficile de ne pas être touché par ces mots si simples pour dire le deuil d’Abraham. Malgré les millénaires qui nous séparent de ce texte, sa grande humanité nous en rapproche. Mais Les funérailles de Sara posent bien des questions

  • Pourquoi, alors que Gn 23 se présente comme les funérailles de Sara, celles-ci n’apparaissent-elles que juste au début et à la fin alors que la négociation pour l’achat du champ d’Ephrôn se déroule sur tout le reste ?
  • Pourquoi cette insistance à posséder un bout de terrain alors que les fils de Heth acceptent qu’Abraham enterre Sara dans un de leurs tombeaux ?
  • Pourquoi cette insistance d’Abraham à payer alors que les fils de Heth ont offert de donner le terrain désiré ?
  • Pourquoi cette insistance à faire remarquer que tout se passe en présence des fils de Heth, de tous ceux qui passaient par la porte de sa ville’ (v. 10. 18), ‘du peuple du pays’ (v. 13) ?
Sans doute parce que l’essentiel est de bien montrer qu’Abraham est le propriétaire légitime de cette parcelle. Il n’est plus seulement un étranger à la situation précaire : une parcelle de terre lui a été cédée en pleine propriété. Faut-il y voir le début de la réalisation de la promesse de la terre que lui a faite le Seigneur ? En tout cas, avant sa mort, Abraham aura réussi à prendre pied sur la terre de Canaan, et les auteurs de la Genèse y accordent de l’importance.

17 Le champ d'Éphron à Macpéla, vis-à-vis de Mamré, le champ et la caverne qui y est, et tous les arbres qui sont dans le champ et dans toutes ses limites alentour, 18 devinrent ainsi la propriété d'Abraham, aux yeux des fils de Heth et de tous ceux qui entraient par la porte de sa ville.

19 Après cela, Abraham enterra Sara, sa femme, dans la caverne du champ de Macpéla, vis-à-vis de Mamré, qui est Hébron, dans le pays de Canaan. 20 Le champ et la caverne qui y est demeurèrent à Abraham comme possession sépulcrale, acquise des fils de Heth.

Dans la rencontre entre Abraham et les fils de Heth, il faut écouter la courtoisie des échanges. Abraham, en tant qu’étranger, n’est pas en situation favorable, mais il est riche chef de clan et il pourra s’acquitter d’une somme importante pour l’achat du champ.
Dans cette négociation orientale de qualité, il n’y a pas de marchandage, mais Ephrôn, tout en affirmant qu’il peut donner le bien gracieusement, en réclame un prix très important, de même qu’Abraham dépasse très vite le simple souhait de donner une sépulture décente à Sara pour affirmer son désir d’obtenir une terre dans un pays qui n’est pas le sien.


Que ne dit-on pas sur les sacrifices ! Le terme évoque presque inéluctablement une réalité pénible, douloureuse parfois, toujours synonyme d’effort. Il n’en est pas de même dans l’Écriture. Le sacrifice y est le don fait au Dieu qui a tout donné à son peuple. On comprend la place centrale qu’occupent les sacrifices dans la vie d’Israël, quand on considère qu’ils sont présentés dans le livre au coeur de la Torah : le Lévitique, troisième de ses cinq livres. Leur description en occupe toute la première partie.

Le sacrifice est donc fondamentalement l’activité la plus naturelle au croyant, traduisant son désir de rendre un peu à son Dieu ce qu’il ne tient que de lui. C’est pourquoi le sacrifice de louange en est la forme la plus pure, associant le chant des louanges de Dieu à l’immolation de l’animal. Rien là de morbide, mais l’expression de la joie d’avoir le Seigneur pour Dieu.

Cette motivation est pourtant toujours en danger de perdre sa pureté et de se dégrader en marchandage avec Dieu : je te donne pour que tu me donnes. Les prophètes n’auront de cesse de rappeler que l’essence du sacrifice est l’attitude intérieure et que le Seigneur ne regarde que le coeur : « Que me fait la multitude de vos sacrifices ? Lavez-vous, purifiez vous, ôtez de ma vue vos actions mauvaises... Apprenez à faire le bien, recherchez la justice... » dit Isaïe. Voilà le sacrifice qui plaît à Dieu.

Sacrifice d'enfants: quelques repères

Les sacrifices d’enfants ou de nouveaux-nés sont pratiqués dans l’Antiquité, l’archéologie les mettant par exemple en évidence dans les mondes phénicien et punique.

S’il faut sans doute mettre à part le sacrifice de la fille de Jephté (Juges 11) – en raison d’un voeu inconsidéré de son père –, qui n’est pas présenté comme demandé par Dieu, il semble bien qu’Israël ait été aussi touché par cette pratique. En attestent les condamnations de la Bible :

« Le roi Akhaz... suivit le chemin des rois d’Israël et même fit passer son fils par le feu, selon les abominations des nations » (2 Rois 16,3).

La condamnation est vigoureuse, mais si on interdit avec tant de force le sacrifice d’enfant... c’est qu’il y a nécessité de le faire, donc que cela ne va pas de soi pour tous. Interdire une pratique signifie l’existence de cette pratique.

Pourquoi ces sacrifices d’enfants ? Chez les quelques rois que les auteurs condamnent pour garder cette coutume, c’est le plus souvent lors de crises graves, ou de menaces de défaites militaires. Il s’agit de se concilier la divinité en offrant ce qu’on a de plus précieux, donc le fils.

Fondamentalement, si on y regarde de près, c’est aussi contre cette pratique que s’insurge le sacrifice d’Abraham, en montrant que Dieu ne veut pas l’immolation d’un enfant, mais que l’homme obéisse à sa parole.

Pour réfléchir...

  • Relevez toutes les notations qui disent le grand art du narrateur en Genèse 22.
  • Alors que Sara meurt et que le cycle d’Abraham va se terminer, comment résumeriez-vous la vie de l’un et de l’autre ?

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