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Livre de la Genèse
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Le cycle d'Abraham : Histoire et promesse de descendance
Genèse 14,1-15,21

Nous allons enfin savoir quand a vécu Abraham ! Peut-être même rencontrerons-nous son nom dans les textes du Proche-Orient ancien avec ceux des rois qu’il a combattus... En lisant le chapitre 14 du livre de la Genèse remonte le vieux désir de ceux qui lisent la Bible : trouver trace des événements qu’elle rapporte dans des textes extra-bibliques.

Un tel désir est sain, indiquant la prise au sérieux des textes bibliques : cependant, lire l’Ancien ‒ comme le Nouveau Testament ‒ enseigne vite que tout n’est pas si simple et oblige à s’interroger : quelle est l’histoire dans laquelle est immergé le texte biblique ? Quelle est sa fonction ?

Notre espoir est déçu : l’épisode que nous lisons aujourd’hui n’a pas d’échos dans la littérature extra-biblique. Qui plus est, trouver vraiment à quels rois fait allusion la Genèse se révèle décevant. Il n’y a que peu de temps qu’on a cru élucider l’énigme de l’identité d’Amraphel roi de Schinéar, c’est-à-dire de Babylone.

141  Dans le temps d'Amraphel, roi de Schinear, d'Arjoc, roi d'Ellasar, de Kedorlaomer, roi d'Élam, et de Tideal, roi de Gojim, 2  il arriva qu'ils firent la guerre à Béra, roi de Sodome, à Birscha, roi de Gomorrhe, à Schineab, roi d'Adma, à Schémeéber, roi de Tseboïm, et au roi de Béla, qui est Tsoar.

3 Ces derniers s'assemblèrent tous dans la vallée de Siddim, qui est la mer Salée. 4 Pendant douze ans, ils avaient été soumis à Kedorlaomer; et la treizième année, ils s'étaient révoltés. 5 Mais, la quatorzième année, Kedorlaomer et les rois qui étaient avec lui se mirent en marche, et ils battirent les Rephaïm à Aschteroth Karnaïm, les Zuzim à Ham, les Émim à Schavé Kirjathaïm, 6 et les Horiens dans leur montagne de Séir, jusqu'au chêne de Paran, qui est près du désert. 7 Puis ils s'en retournèrent, vinrent à En Mischpath, qui est Kadès, et battirent les Amalécites sur tout leur territoire, ainsi que les Amoréens établis à Hatsatson Thamar.

Il faut de la patience pour lire ces noms de lieux ! Le rédacteur y aide, signalant que Bèla, c’est Çoar, qu’Ein-Mishpat est un autre nom de Qadesh, et que la vallée de Siddim est en fait la mer Salée – c’est-à-dire la Mer morte. Il aurait pu ajouter que Shinear est Babylone. Dans ces remarques, nous reconnaissons des notations étiologiques.

En revanche, il est extrêmement difficile d’identifier les rois évoqués. On ne connaît aucun roi Kedorlaomer en Elam alors que le texte biblique paraît lui accorder une certaine stature. Quand à Amraphel, on a évoqué le grand roi Hammurabi, fondateur de l’empire babylonien vers le XVIIIe s. avant Jésus Christ. Il faudrait plutôt penser à un des nombreux rois Hammurabi ou Hammurapi d’Ugarit, peut-être le dernier de la dynastie, vers le dernier tiers du XIIIe siècle avant Jésus Christ.

La Mer Morte ou Mer salée

A 392 m au-dessous du niveau de la mer, elle est tellement salée que même les poissons ne peuvent y vivre et que les hommes y flottent sans avoir besoin de nager ! Irriguée par le Jourdain et nombre de torrents, son évaporation intense cause sa concentration en sel. On la nomme donc aussi Mer du sel, à moins qu’on ne préfère dire Mer d’asphalte parce qu’elle comporte des ressources en bitume, utilisées autrefois par les marins pour calfater leurs navires.

Elle fut sans doute le théâtre de bouleversements sismiques et il n’est donc pas étonnant que le chapitre 14 du livre de la Genèse la nomme aussi vallée de Siddim : elle devait être au sud-est de la mer et 5 villes y étaient bâties : Sodome, Gomorrhe, Adma, Cevoim, Çoar, sans doute englouties par les eaux lors d’un tremblement de terre.

8 Alors s'avancèrent le roi de Sodome, le roi de Gomorrhe, le roi d'Adma, le roi de Tseboïm, et le roi de Béla, qui est Tsoar; et ils se rangèrent en bataille contre eux, dans la vallée de Siddim, 9 contre Kedorlaomer, roi d'Élam, Tideal, roi de Gojim, Amraphel, roi de Schinear, et Arjoc, roi d'Ellasar: quatre rois contre cinq. 10 La vallée de Siddim était couverte de puits de bitume; le roi de Sodome et celui de Gomorrhe prirent la fuite, et y tombèrent; le reste s'enfuit vers la montagne. 11 Les vainqueurs enlevèrent toutes les richesses de Sodome et de Gomorrhe, et toutes leurs provisions; et ils s'en allèrent. 12  Ils enlevèrent aussi, avec ses biens, Lot, fils du frère d'Abram, qui demeurait à Sodome; et ils s'en allèrent.

13 Un fuyard vint l'annoncer à Abram, l'Hébreu; celui-ci habitait parmi les chênes de Mamré, l'Amoréen, frère d'Eschcol et frère d'Aner, qui avaient fait alliance avec Abram. 14 Dès qu'Abram eut appris que son frère avait été fait prisonnier, il arma trois cent dix-huit de ses plus braves serviteurs, nés dans sa maison, et il poursuivit les rois jusqu'à Dan. 15 Il divisa sa troupe, pour les attaquer de nuit, lui et ses serviteurs; il les battit, et les poursuivit jusqu'à Choba, qui est à la gauche de Damas. 16 Il ramena toutes les richesses; il ramena aussi Lot, son frère, avec ses biens, ainsi que les femmes et le peuple.

Guerre ou coup de main ?

Les cinq rois de Sodome, Gomorrhe, Adma, Tseboïm, Tsoar sont vaincus par les rois d’Elam, Ellasar et Gojim. Et Abraham viendra défaire les vainqueurs avec ses 318 vassaux. Au regard des textes du Proche-Orient ancien, ces chiffres ne sont pas ridicules.

Faut-il parler de « guerre » pour autant ? Sans doute s’agit-il davantage de coups de main rapides qui aboutissent au pillage des hommes et des biens.

Lever de soleil sur la Mer Morte, vue de Masada [by Grauesel, GFDL]
Chroniques de Nuremberg, La rencontre entre Abraham et Melchisédek

17 Après qu'Abram fut revenu vainqueur de Kedorlaomer et des rois qui étaient avec lui, le roi de Sodome sortit à sa rencontre dans la vallée de Schavé, qui est la vallée du roi. 18 Melchisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin: il était prêtre du Dieu Très Haut. 19 Il bénit Abram, et dit:

Béni soit Abram par le Dieu Très Haut, maître du ciel et de la terre! 20 Béni soit le Dieu Très Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains!
Et Abram lui donna la dîme de tout. 21 Le roi de Sodome dit à Abram: Donne-moi les personnes, et prends pour toi les richesses. 22 Abram répondit au roi de Sodome: Je lève la main vers l'Éternel, le Dieu Très Haut, maître du ciel et de la terre: 23 je ne prendrai rien de tout ce qui est à toi, pas même un fil, ni un cordon de soulier, afin que tu ne dises pas: J'ai enrichi Abram. Rien pour moi! 24 Seulement, ce qu'ont mangé les jeunes gens, et la part des hommes qui ont marché avec moi, Aner, Eschcol et Mamré: eux, ils prendront leur part.

Décrypter le texte

Devant un texte biblique qui paraît obscur, l'une des questions principales à se poser est : quelle est la fonction de ce texte ? Deux autres questions peuvent aider à entrer dans cette perspective :

  • Si l'épisode était absent, que manquerait-il ? Cette question est particulièrement adaptée à Gn 14 qui présente un visage d'Abraham unique dans le livre de la Genèse : c'est ainsi l'unique fois où nous voyons le patriarche en chef de guerre entouré de vassaux.
  • Quel est l’apport particulier de cet épisode ? Il y a en plusieurs : au milieu des « rois », Abraham est inséré dans l’histoire de son temps : le texte entend affirmer ainsi qu’il ne s’agit pas d’une simple légende. En outre, ce personnage est un héros guerrier capable de vaincre des rois et de voler au secours de son neveu. La mention de ses vassaux nous dit qu’au chapitre 13, quand Pharaon le laissait aller généreusement, il avait peut-être conscience de ne pas s’adresser seulement à un pauvre individu isolé, mais à un homme d’une certaine surface...

151  Après ces événements, la parole du SEIGNEUR fut adressée à Abram dans une vision, et il dit: Abram, ne crains point; je suis ton bouclier, et ta récompense sera très grande. 2 Abram répondit: Seigneur DIEU, que me donneras-tu? Je m'en vais sans enfants; et l'héritier de ma maison, c'est Éliézer de Damas.

3 Et Abram dit: Voici, tu ne m'as pas donné de postérité, et celui qui est né dans ma maison sera mon héritier. 4 Alors la parole du SEIGNEUR lui fut adressée ainsi: Ce n'est pas lui qui sera ton héritier, mais c'est celui qui sortira de tes entrailles qui sera ton héritier. 5 Et après l'avoir conduit dehors, il dit: Regarde vers le ciel, et compte les étoiles, si tu peux.

7 Le SEIGNEUR lui dit encore: Je suis le SEIGNEUR, qui t'ai fait sortir d'Ur en Chaldée, pour te donner en possession ce pays. 8 Abram répondit: Seigneur DIEU, à quoi connaîtrai-je que je le posséderai? 9 Et le SEIGNEUR lui dit: Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. 10 Abram prit tous ces animaux, les coupa par le milieu, et mit chaque morceau l'un vis-à-vis de l'autre; mais il ne partagea point les oiseaux. 11 Les oiseaux de proie s'abattirent sur les cadavres; et Abram les chassa.

Avoir un héritier

Abram fait remarquer au Seigneur qu’Eliézer de Damas doit hériter de lui (v. 2), parce qu’il n’a pas de fils. Qui peut donc être Eliézer ? Deux hypothèses dominent : la possibilité d’un esclave attaché à la maison d’Abram (plus probable) ou celle d’un fils adopté.

Si nous ne sommes pas assurés de la réponse, la question permet de constater combien avoir un héritier apparaît à cette époque comme une exigence pour un patriarche (s’agit-il d’éviter les querelles à la mort de ce dernier ?), puisqu’il est admissible que cet héritier ne soit pas un fils de même sang.

12 Au coucher du soleil, un profond sommeil tomba sur Abram; et voici, une frayeur et une grande obscurité vinrent l'assaillir. 13 Et le SEIGNEUR dit à Abram:

Sache que tes descendants seront étrangers dans un pays qui ne sera point à eux; ils y seront asservis, et on les opprimera pendant quatre cents ans. 14 Mais je jugerai la nation à laquelle ils seront asservis, et ils sortiront ensuite avec de grandes richesses. 15 Toi, tu iras en paix vers tes pères, tu seras enterré après une heureuse vieillesse. 16 A la quatrième génération, ils reviendront ici; car l'iniquité des Amoréens n'est pas encore à son comble.

17 Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés. 18 En ce jour-là, le SEIGNEUR fit alliance avec Abram, et dit:

Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d'Égypte jusqu'au grand fleuve, au fleuve d'Euphrate, 19 le pays des Kéniens, des Keniziens, des Kadmoniens, 20 des Héthiens, des Phéréziens, des Rephaïm, 21 des Amoréens, des Cananéens, des Guirgasiens et des Jébusiens.

Dieu seul s'oblige... C’est en plein milieu du cycle d’Abraham qu’est insérée la conclusion de l’Alliance avec le Seigneur : une promesse magnifique qui englobe toute la descendance du patriarche. Sa particularité est que Dieu seul « s’oblige » au cours d’un étonnant dialogue où la foi d’Abram apparaît constamment : une foi qui ose sans cesse exprimer ses questions sans jamais remettre en cause la parole du Seigneur.

Rituel

Il n’y a pas d’autre mention dans la Bible du rituel dont il est question ici, avec un passage entre des sections d’animal (même si Jérémie 34,18 l’évoque). Il semble néanmoins attesté en Mésopotamie ; justement du côté d’Harrân dont vient Abram.

Le passage entre les parties de l’animal signifie sans doute : ‘que je sois traîté comme eux si je romps l’alliance’. L’étonnant est alors que, normalement, l’obligation de garder l’alliance concerne celui qui passe entre les parties de l’animal : or, c’est ici le Seigneur qui passe entre elles sous la forme d’une torche de feu. Quoi qu’il en soit, ce rite a pour effet de donner une grande solennité à cette conclusion d’alliance.


A la loupe

« Le Seigneur conclut une alliance avec Abram » (Gn 15,18). Une alliance, ce sont normalement deux (ou plusieurs) partenaires qui s’engagent l’un envers l’autre. Ici, quel est donc l’engagement de chacun ?

  • Le Seigneur s’engage à ce que ce soit un fils d’Abram, ’celui qui sortira de tes entrailles’, qui hérite de lui (v. 4) : c’est dire qu’Abram aura une descendance.
  • En outre, le Seigneur s’engage à ce qu’Abram ait une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel (v. 5).
  • Enfin, le Seigneur s’engage à donner à la descendance d’Abram tout le pays depuis le fleuve d’Egypte – le Nil – jusqu’à l’Euphrate, en Mésopotamie (v. 18).

Quant à Abram, aucune obligation ne lui est imposée. En revanche, il est noté : il eut foi dans le Seigneur, et pour cela le Seigneur le considéra comme juste.

Alors ? Elémentaire ! Plus que d’une alliance, il s’agit ici d’une promesse inconditionnelle. Est-elle davantage celle d’une terre ou d’une descendance ? Les deux sont liées : à quoi servirait une terre sans descendance pour l’occuper ? A quoi servirait une descendance qui n’ait pas de lieu ? En Genèse 12, il y avait déjà eu promesse de faire d’Abram une grande nation, voici que cette promesse est précisée et amplifiée.

Bible et Histoire

Comment comprendre que l’histoire du Proche-Orient ancien ne permette pas de rejoindre immédiatement le récit biblique et même que certaines sources semblent contredire des données de la Bible ? Cela signifie-t-il que le texte biblique n’est que légende ?

Ce serait méconnaître le soin que prennent les auteurs bibliques à situer leur dans une histoire que de parler de légende à propos de la Bible, de l’Ancien comme du Nouveau Testament. Quelles que soient leurs méthodes, ce souci est perceptible.

Noces de Cana, Véronèse (Musée du Louvre, photo Public Domain)Nous ne sommes pas choqués en voyant un peintre célèbre retranscrire des événements bibliques selon la perspective de son époque. Ainsi, dans son monumentable Noces de Cana, Véronèse représente le lieu du repas auquel fait référence l’Evangile de Jean comme un palais vénitien de la Renaissance. Pour Véronèse, ces noces sont-elles imaginaires ? Non, le fait est là, mais il les « transpose » telles qu’elles doivent être : le Christ est un personnage royal, donc vêtu richement, dans un décor rappelant davantage les cours princières du temps de Véronèse que la Galilée aux jours de Jésus.

De la même manière, quand l’auteur biblique évoque Abraham, il le fait à l’aide de l’état des connaissances de son époque qui connaît peu les détails de l’existence antérieure.

Pour réfléchir...

  • Qu'est-ce qui est pour moi le plus étonnant ici ? Comment puis-je me l'expliquer ?
  • S'il ne fallait retenir qu'une chose de ces chapitrres, laquelle me semblerait plus importante ? Pourquoi ?

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