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Livre de la Genèse
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Le Livre des Origines : La tentation et la chute
Genèse 3,1-24

Les récits de la création de l'humanité prennent fin avec le récit de la 'chute'. Alors qu'au tout début de la Bible revenait comme un leitmotif : Dieu vit que c'était bon, et même - à propos de l'homme - Dieu vit que c'était très bon, l'ensemble s'achève avec l'expulsion du jardin d'Eden
Pourquoi ? Que s'est-il donc passé pour qu'on nous dise que l'homme et la femme ont perdu l'amitié de Dieu au point d'être bannis de son intimité ?
Immédiatement après l'harmonie du tableau de la Création, voici le drame : la désobéissance, d'abord d'Eve, puis d'Adam. Il s'est passé quelque chose et rien ne sera plus jamais pareil : l'homme et la femme sont entrés dans un autre monde : celui de la honte et de la peur de Dieu, celui où les relations entre les êtres sont marquées par la méfiance.
Ce qui est montré ici, c'est l'importance des actes de l'homme et de la femme : ils ont des conséquences, ce qui est une façon de prendre au sérieux leurs auteurs...

3 1  Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que le SEIGNEUR Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? 2  La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. 3  Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez.
4 Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point ; 5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.

Du serpent, on sait qu'il peut apporter la mort, mais dans certaines religions, il est associé, sinon au monde de la magie, du moins à la prospérité ou à la sagesse ; il est alors facteur de vie. Ici, on a parfois vu en lui Satan, le tentateur, ou bien le symbole de la curiosité humaine. C'est donc une figure ambigüe, mais ce serait une erreur de vouloir lever cette ambiguïté : elle fait partie de la Bible et lui donne beaucoup de sa richesse.
Qu'en dire alors ? La première question à se poser est : comment est-il présenté ? Et cela permet plusieurs remarques :

  • le serpent est déjà là, créé par Dieu : il ne vient pas de nulle part, et n'a donc pas de pouvoir extraordinaire : il n'est qu'une créature,
  • bestiole intelligente, le serpent parle : mais le monde dans lequel les animaux parlent n'est-il pas celui de la fable ? La fable étant ce qui permet d'introduire des vérités profondes sous le masque de la légèreté...
  • le serpent est tentateur : la femme - ou l'homme - ont été soumis à une tentation ; ils ne sont donc pas les seuls responsables du mal,
  • Dieu n'interroge pas le serpent alors qu'il entre en dialogue avec l'homme et la femme : l'interlocuteur auquel Dieu s'adresse est l'être humain.
Alors ? Elémentaire ! Le texte nous dit ici que l'important n'est pas le serpent, mais ce que permet d'introduire sa parole : l'homme n'est pas le seul responsable du mal comme s'il était tout puissant - puisque la tentation est déjà là. Cependant, face à elle, l'être humain garde une liberté : celle de la rejeter.

6 La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence; elle prit de son fruit, et en mangea; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. 7 Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures.

La chute, vitrail de la MarienKirche, Frankfurt an der OderUne mauvaise utilisation du latin ?
 
Quel est le fruit mangé par Adam et Eve ? Nous répondons spontanément "la pomme", mais il n'en a pas toujours été ainsi. Très tôt, le fruit fut identifié à la figue, puisque Gn 3,7 avance que c'est avec des feuilles de figuier qu'Adam et Eve couvrent leur nudité. Bien d'autres hypothèses ont circulé : la vigne, l'olive, la banane même...
 
Aujourd'hui, la pomme est plus fréquemment citée, mais peut-être en raison d'une incompréhension. Il semble en effet qu'on ait confondu deux mots latin : malum, le mal, et malum, la pomme. En latin, la pomme se traduit en effet malum... comme le mal. Le pas était facile à faire entre le péché ou mal et le fruit défendu.
En attendant, si nous regardons les représentations dans les églises anciennes, nous verrons que toutes ne présentent pas le même fruit.

8 Alors ils entendirent la voix du SEIGNEUR Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face du SEIGNEUR Dieu, au milieu des arbres du jardin. 9  Mais le SEIGNEUR Dieu appela l'homme, et lui dit : Où es-tu ? 10  Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. 11  Et le SEIGNEUR Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? 12  L'homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé.

13  Et le SEIGNEUR Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé.

Il y a l'accusation du serpent envers Dieu, mais au-delà, il faut regarder la façon dont agit le Seigneur : ici, il est le juge. Ou plutôt : il devient le juge, parce qu'au début il est présenté en train de se promener au souffle du jour, tout proche donc d'Adam et Eve. Ce jugement n'est pas arbitraire, mais se déroule selon un processus plein d'enseignement.
  • C'est d'abord la recherche de la vérité. Pour cela, Dieu interroge l'homme et la femme, non pas en affirmant : tu es coupable, mais en demandant : qu'as-tu fait ? Chacun est donc mis devant sa responsabilité, sans aucun reproche : il s'agit que le coupable accepte de faire la lumière sur ses actes, de les reconnaître.
  • Devant des interlocuteurs responsables : Dieu appelle l'homme et la femme - traités ici de la même façon - à faire la vérité. Il faut d'autant plus le remarquer que le serpent n'est pas admis à ce dialogue où chacun pourrait présenter sa défense.
  • Ce n'est qu'après le dialogue que viendra la sentence.

14  Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent: Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. 15  Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon.

16  Il dit à la femme: J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.

17  Il dit à l'homme: Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre: Tu n'en mangeras point! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, 18  il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs. 19  C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.

Meister Bertram von Minden : Adam et Eve et le serpent

Il y a une grande différence entre la sentence qui frappe le serpent et celles qui touchent l'homme et la femme, puisque le serpent est maudit, alors que la sentence concernant Adam et Êve porte principalement sur le caractère dorénavant pénible de leur vie. Ce qui change pour eux, c'est que toute relation s'inscrira dans le rapport de force.

Mais les sentences prononcées par le Seigneur peuvent paraître étranges : il semble que leur portée dépasse de loin ceux qu'elles touchent :

  • L'hostilité entre la descendance du serpent et celle de la femme n'est pas valable qu'ici : c'est l'histoire de toute l'humanité face aux reptiles.
  • La souffrance de l'enfantement concerne chaque femme et non seulement Eve. Il en est de même de la domination de l'homme due à sa force...
  • Quant à la pénibilité du travail, tout être humain l'expérimente.

En fait, nous avons ici une 'étiologie' : une notice qui tente de donner une origine à une réalité qu'on éprouve inexplicable : comment expliquer que la femme enfante dans la souffrance ou que le travail soit pénible ? Ici, on les raccroche à une faute commise aux origines de l'humanité.

Meister Bertram von Minden

20  Adam donna à sa femme le nom d'Eve: car elle a été la mère de tous les vivants. 21  Le SEIGNEUR Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.

22  Le SEIGNEUR Dieu dit : Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement.

Une dimension universaliste

En hébreu, adam, c'est l'homme, et le texte dit qu'Eve signifie la vivante "car c'est elle qui a été la mère de tout vivant". L'Ecriture affirme donc dès le début que la faute concerne toute l'humanité et ne se situe pas sur un plan historique.
Après le Livre des origines, jamais plus l'Ancien Testament ne fera allusion au récit de la chute : il n'est pas référence "historique" de même ordre que les événements de l'histoire du salut.

Depuis le début, Dieu a béni : il a "dit du bien" de l'homme et de la création. Nous avons ici la seule malédiction venant de Dieu de toute la Bible : elle porte sur le serpent.
L'essentiel du texte est donc que malgré la désobéissance, l'homme et la femme ne sont pas maudits et que la bénédiction que Dieu leur avait accordée n'est pas supprimée. Plus tard, saint Paul dira que "les dons de Dieu sont sans repentance" : ce qu'il a accordé une fois, Dieu ne le retire pas. La faute existe et elle est sanctionnée par l'expulsion de la présence de Dieu, mais elle n'annule pas le don primitif.

23 Et le SEIGNEUR Dieu le chassa du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre, d'où il avait été pris. 24 C'est ainsi qu'il chassa Adam; et il mit à l'orient du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.

N'oublions pas que ce récit de Genèse 3 est indissociablement lié à ce qui le précède. Ce serait un grave contresens de le lire indépendamment des récits de création : ils en sont l'horizon et la clé de compréhension. Ce n'est que parce que Dieu crée l'homme gratuitement qu'il peut lui demander d'obéir à ses commandements qui sont vie.


Décrypter le texte

La façon dont les textes de l'Ecriture évoquent un "acteur" biblique peut dérouter : nous avons vu que plusieurs traditions peuvent être mêlées dans un même texte, chacune avec sa perspective particulière. En outre, chaque lecteur - vous et moi - a souvent déjà en tête une idée sur ce personnage, et elle n'est pas forcément la même que celle des écrivains bibliques...
C'est pourquoi deux questions nous aident à lire ce qui est vraiment écrit dans le texte :
  • Comment cet 'acteur' est-il présenté ? Parce qu'on ne peut pas tout dire d'une personne, un auteur fait toujours des choix. Ici, à travers ce qu'il dit, comment présente-t-il le personnage ? C'est-à-dire : que veut-il que nous sachions de lui ?
  • Dans ce texte-ci, quelle fonction remplit cet acteur ? Quelle est l'intention de l'auteur en l'évoquant : que veut-il que nous en disions et pourquoi ? Puis-je le percevoir ?

Péché des origines

Parler de péché originel - ou de péché des origines - fait souvent difficulté. D'une part, nous avons du mal à accepter d'être marqués par la faute d'un autre, et il est difficile d'imaginer que Dieu puisse faire en quelque sorte retomber sur nous la faute de nos ancêtres, alors que sa Révélation en Jésus Christ ne le manifeste que comme amour. D'autre part, nous comprenons de mieux en mieux les onze premiers chapitres du livre de la Genèse comme un Livre des origines de l'humanité tout entière, bien au-delà des personnages présenter.
Comment s'exprimer alors avec justesse ? Deux pistes peuvent nous aider :

On ne peut parler de péché sans croire à la grâce de Dieu : s'il y a chute, c'est que le projet de Dieu pour l'être humain était de l'établir avec lui dans le jardin d'Eden. Parler de péché desorigines implique la foi en une grâce de Dieu qui est première. De la même manière, cela implique donc de croire que le mal ne vient pas de Dieu.

La notion de péché des origines rencontre notre expérience : chacun de nous fait l'expérience d'une 'blessure' qui, en quelque sorte, le précède : de zones obscures - dont il n'est pas fier - qui auraient bien besoin d'être guéries et l'entraîneraient facilement où il ne voudrait pas aller. Chacun de nous ratifierait sans doute les paroles de saint Paul dans la lettre aux Romain : "Je ne comprends rien à ce que je fais : ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. [...] Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir, puisque le bien qu eje veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais." (7,15...19)

Pour réfléchir...

  • Comment ce texte où est présentée la "chute" rejoint-il notre expérience ?
  • Qu'est-ce qui me semble le plus important dans ce que le texte dit de l'homme et de la femme ?
  • Qu'est-ce que je retiens d'essentiel de ce qui est dit de Dieu ?

Dans le Nouveau Testament ? Une vision d'espérance

Protévangile : du grec protos, premier, et évangile, bonne nouvelle.
Très vite, les chrétiens ont vu dans la femme annoncée en Gn 3,15 la « première Bonne nouvelle », identifiant Marie, mère du Christ, comme la nouvelle Eve qui permettrait la victoire du Christ sur le mal. Cela explique qu’ils ont toujours lu le récit de la Genèse dans la perspective de la venue du Christ Rédempteur, donc de l’intérieur d’une vision d’espérance. Cela fournit une clé de lecture de l’Ancien Testament : il ne se lit qu’en cohérence avec la révélation de l’Amour du Père faite par la vie du Christ Jésus.

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