Le Livre des Origines : Récit de la Création
Genèse 1,1-2,3

Quand on lit un texte, il faut y chercher ce qu’il contient : nous n’obtenons pas les mêmes informations dans un magazine grand public ou dans un rapport de police. Mais qu’en est-il de la Bible ? Pour la foi chrétienne, elle est avant tout Révélation de Dieu et de son plan de salut pour tous les hommes. Nous comprenons alors que, pour être féconde, toute lecture du texte biblique doit s’orienter vers la question : que dit-il de Dieu ?
Avouons que ce n’est pas toujours la question que nous posons au texte, et cela peut expliquer pourquoi certaines lectures de la Bible sont si décevantes… Devant Genèse 1, nous garderons donc cette question.

1Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. 2 La terre était informe et vide: il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.

Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. 4 Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres. 5 Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour.

Dieu dit : Qu’il y ait une étendue entre les eaux, et qu’elle sépare les eaux d’avec les eaux. 7 Et Dieu fit l’étendue, et il sépara les eaux qui sont au-dessous de l’étendue d’avec les eaux qui sont au-dessus de l’étendue. Et cela fut ainsi. 8 Dieu appela l’étendue ciel. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le second jour.

Dieu dit : Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec paraisse. Et cela fut ainsi. 10 Dieu appela le sec terre, et il appela l’amas des eaux mers. Dieu vit que cela était bon. 11 Puis Dieu dit : Que la terre produise de la verdure, de l’herbe portant de la semence, des arbres fruitiers donnant du fruit selon leur espèce et ayant en eux leur semence sur la terre. Et cela fut ainsi. 12 La terre produisit de la verdure, de l’herbe portant de la semence selon son espèce, et des arbres donnant du fruit et ayant en eux leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. 13 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le troisième jour.

Tout texte comporte des « signaux » qui permettent au lecteur ou à l’auditeur de comprendre ce qu’il est. Le début du livre de la Genèse n’y manque pas :

Dieu dit… et cela fut ainsi.
Il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour…
Dieu dit… et cela fut ainsi.
Il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le second jour… le troisième jour… le quatrième jour… le cinquième jour… le sixième jour…

À ce balancement, chaque lecteur reconnaît le langage de la poésie, et c’est une indication précieuse : aucun de nous en effet n’est tenté d’interpréter « littéralement » la poésie. Ici, le lecteur fûté reconnaît immédiatement qu’il n’est pas en présence d’un compte-rendu d’ordre scientifique : il n’attend donc pas d’informations de cet ordre du premier chapitre du livre de la Genèse. Voici plutôt le moment de se détendre et d’entendre ce qui rythme le texte.

La séparation des eaux, Bertram von Minden (Hamburg – The Yorck Project)

14 Dieu dit : Qu’il y ait des luminaires dans l’étendue du ciel, pour séparer le jour d’avec la nuit; que ce soient des signes pour marquer les époques, les jours et les années; 15 et qu’ils servent de luminaires dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre. Et cela fut ainsi. 16 Dieu fit les deux grands luminaires, le plus grand luminaire pour présider au jour, et le plus petit luminaire pour présider à la nuit ; il fit aussi les étoiles. 17 Dieu les plaça dans l’étendue du ciel, pour éclairer la terre, 18 pour présider au jour et à la nuit, et pour séparer la lumière d’avec les ténèbres. Dieu vit que cela était bon. 19 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le quatrième jour.

Langage poétique ?

Spontanément, nous tendrions à penser que la poésie ne peut dire les choses sérieuses. Et pourtant, pour ce qui nous tient le plus à cœur, c’est vers elle que nous nous tournons bien souvent, ne fut-ce que pour dire « Je t’aime ». Peut-être parce que nous sentons que le langage poétique est bien plus capable d’exprimer l’au-delà du visible que le rapport technique. Cela peut nous aider à ne pas mépriser ce mode d’expression…

20 Dieu dit : Que les eaux produisent en abondance des animaux vivants, et que des oiseaux volent sur la terre vers l’étendue du ciel. 21 Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent, et que les eaux produisirent en abondance selon leur espèce ; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. 22 Dieu les bénit, en disant : Soyez féconds, multipliez, et remplissez les eaux des mers; et que les oiseaux multiplient sur la terre. 23 Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le cinquième jour.

24 Dieu dit : Que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce. Et cela fut ainsi. 25 Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon.

Chacune des grandes civilisations du Proche-Orient ancien a une ‘cosmogonie’, littéralement : ce qui retrace la genèse du cosmos. Pour celui qui étudie la Bible, elles ont un immense intérêt, parce que c’est en les examinant qu’il peut comprendre comment le récit biblique s’en différencie et donc la nouveauté qu’il apporte.

26 Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. 27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. 28 Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre.

29 Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence: ce sera votre nourriture. 30  Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. Et cela fut ainsi. 31  Dieu vit tout ce qu’il avait fait et voici, cela était très bon. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le sixième jour.

Homme et femme…

« Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, mâle et femme il les créa » : ni l’homme — ni la femme —, ne peuvent donc revendiquer d’être le tout de l’être humain : les deux sont nécessaires pour dire ce qu’est l’Homme. Le poème babylonien de la création, Enouma Elish, nous fournit un second indice de l’importance de cette distinction que fait la Bible en attestant que dans une civilisation proche, le récit de création n’attache pas d’importance à la différenciation sexuée des êtres humains. C’est une raison de plus pour penser que la complémentarité mentionnée ici est significative.

21 Ainsi furent achevés les cieux et la terre, et toute leur armée. 2 Dieu acheva au septième jour son oeuvre, qu’il avait faite: et il se reposa au septième jour de toute son oeuvre, qu’il avait faite. 3 Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son oeuvre qu’il avait créée en la faisant.

Ce monde où tous, bêtes et gens, ne mangent qu’herbes, racines et fruits se veut un monde de paix : que craint-on quand on sait que l’autre ne cherchera pas à vous tuer pour se nourrir de vous ? Ce n’est qu’après le Déluge, après avoir constaté la violence du cœur de l’homme, que Dieu lui donnera aussi la chair des animaux pour nourriture… Mais la perspective de l’âge d’or entrevu reste dans l’évocation du temps de la venue du Messie.

Décrypter le texte

Devant la richesse d’un texte biblique, il arrive de se sentir désorienté : où est l’essentiel ?
Trois premières questions peuvent alors aider le lecteur à poser les bonnes questions au texte, c’est-à-dire celles qui peuvent en fournir une clé de compréhension :
— Que dit le texte de Dieu, et comment celui-ci est-il présenté ?
— Sur quoi le texte insiste-t-il : soit en le mettant à une place privilégiée (par exemple en introduction…), soit en le répétant.

Sans oublier une règle de foi :
— Si le Seigneur a créé l’homme et la femme avec un cerveau et un coeur, c’est pour qu’ils s’en servent : l’intelligence et le coeur sont partie de la lecture d’un texte biblique.

Pour réfléchir plus loin

  • Quelle impression d’ensemble se dégage de Genèse 1 ?
  • Qu’est-ce que le texte dit de Dieu ?
  • Chercher toutes les ‘traces’ de langage poétique.
  • Quelles différences majeures voyez-vous entre la création de l’homme dans la Bible et dans la cosmogonie babylonienne ?

Dans le Nouveau Testament ? La Création vue par les Évangiles

Les Évangiles ne s’intéressent pas réellement à l’événement de la Création : la seule fois où Jésus l’évoque, en Matthieu 19,4, c’est pour dire ce qu’il signifie pour l’homme et pour la femme. Jésus cite pourtant volontiers l’Ancien Testament, avec le Décalogue, Moïse ou les prophètes…
En revanche, l’Evangile selon saint Jean fait référence à la Création en commençant par les mêmes mots — en grec et non pas en hébreu—que le livre de la Genèse : au commencement… Jean entend montrer que Jésus est cette Parole créatrice qui était au commencement tournée vers Dieu et par qui tout a été fait.
Si Jésus ne fait pas allusion à un événement passé de la Création, l’Évangile de Jean nous le montre rappelant sans cesse que son Père — comme lui-même — est toujours à l’oeuvre. Cela nous permet peut-être de comprendre un point fondamental sur la Création : elle n’a pas été terminée une fois pour toutes, mais elle se poursuit aujourd’hui encore.